Lettre d'Alain Eyrier au Directeur de la Navigation Aérienne, datant d'il y a 15 jours : Objet : Refonte de la RCA, Secteurs d’Activité Spécifique. Monsieur le Directeur, La FFVV vient de recevoir le projet de refonte de la RCA, et je vous remercie de mener la concertation avec les usagers de cette manière. La FFVV ne manquera pas de retourner ses commentaires dans les plus brefs délais. Un point, pourtant, me paraît suffisamment inquiétant pour l’avenir du vol à Voile français, pour que je me permette de sortir du cadre de concertation établi, et que s’impose la nécessité que je m’entretienne avec vous spécifiquement sur ce sujet. En effet, le paragraphe concernant les « Secteurs d’Activité Spécifique » (SAS, qui devraient remplacer les actuels secteurs dérogatoires vélivoles) n’a pas été modifié par rapport au projet initial présenté en Mars, et ce malgré les vives inquiétudes que la FFVV a manifesté. Le projet que nous ont soumis vos services, prévoit que dans ces portions d’espace aérien, destinées, entre autres, au vol à voile, les autres usagers « non signataires du protocole ne seront pas autorisés à évoluer dans ce secteur ». J’en conclus donc que les SAS devront être obligatoirement contournés non seulement par tous les IFR, mais aussi par tous les VFR gérés par le contrôle. Je me permet de vous signaler qu’à mon avis, il s’agit d’une erreur d’interprétation sur la finalité de ces espaces : - Dans le projet de nouveau RCA, on cherche une ségrégation absolue entre une activité vélivole, que l’on imagine importante (des groupes de planeurs), et que l’on considère comme « potentiellement dangereuse », et le reste de la circulation. - Or, sauf particularité locale, qui est généralement traitée avec une procédure adaptée définie dans le protocole d’accord, les secteurs dérogatoires ne servent pas à protéger une activité importante. Ils servent en général à donner la possibilité à un nombre limité de planeurs d’avoir accès à l’espace aérien, en partant du constat que les contrôleurs ont du mal à gérer plusieurs planeurs simultanément sur leur fréquence. - Dans ces conditions, et jusqu’à preuve du contraire, la règle « voir et éviter » permet aux VFR de se séparer entre eux avec succès, même dans les secteurs dérogatoires. Aucune statistique d’incident n’indique que la sécurité y est actuellement moins bonne que dans l’espace E ou G pour les VFR. - Le RCA actuel explicite cet objectif sans ambiguïté: « des dérogations (…) peuvent être accordées (…) à certains vols d’aéronefs dont le caractère particulier rend impossible, pour l’organisme du contrôle, la fourniture de l’ensemble des services prévus dans la classe de l’espace considéré. » Cette « dérive » m’inspire la plus grande inquiétude. Si ce projet est maintenu en l’état, une grande majorité des secteurs dérogatoires actuels ne pourront être renouvelés. - La plupart des secteurs dérogatoires actuels ne sont pas séparés des flux VFR. Avec l’augmentation du volume des espaces C et D, le nombre et la taille des secteurs vélivole ont tendance à augmenter. Dans une TMA comme Lyon, qui comporte une dizaine de secteurs dérogatoires, on ne sait pas comment faire pour obliger les VFR contrôlés à contourner les secteurs, à moins de rendre les trajectoires absurdes, et porter atteinte à la sécurité des vols (autonomie, météo) en engageant de fait la responsabilité des organismes. - Réduire la taille des secteurs pour garantir une ségrégation avec le reste de la circulation n’est réalisable qu’à moins de les rendre ridiculement petits, au point qu’ils ne puissent plus remplir leur rôle essentiel qui est de faire la jonction avec les espaces E et G. La finalité du vol à voile étant de se déplacer, une « mise en boite » est inacceptable. - Il est absolument légitime de vouloir séparer stratégiquement les IFR de transport public des SAS, car les performances de ces avions ne permettent pas d’assurer une bonne sécurité. Mais certains IFR privés « légers » peuvent efficacement assurer « voir et éviter » comme les VFR. La volonté de « séparer à tout prix » d’absolument toutes les procédures IFR conduit à l’impossibilité de trouver des espaces adéquats, ou à la création de procédures absurdes et bancales. (exemple : le secteur dérogatoire de Villefranche-Tarare où les contrôleurs doivent inciter le pilote à annuler IFR pour ne pas avoir à faire évacuer les planeurs) - Je vous laisse imaginer la difficulté de la concertation lors de la création de nouveaux espaces A, C ou D, et des SAS associés, lorsque chaque catégorie d’usager revendiquera l’exclusivité d’un espace au détriment des autres. J’ai eu plusieurs fois la confirmation que les échelons locaux de la DGAC voient, eux aussi, cette situation avec la plus grande perplexité : la solution des secteurs dérogatoires semble être appréciée puisque elle est presque systématiquement utilisée lorsque sont crées de nouveaux espaces. Or, à l’heure du classement en D de toutes les CTR, il deviendra très complexe de trouver des solutions pour accompagner l’accroissement des espaces contrôlés. L’expérience prouve qu’il n’est pas possible de vouloir chercher une ségrégation stratégique absolue entre toutes les circulations. Il n’est pas possible non plus de rendre le service du contrôle à tous les VFR, et à tous les planeurs, même s’ils étaient tous équipés de transpondeurs. En conséquence, il est donc impératif que les SAS conservent une forme réglementaire clarifiant les responsabilités de chacun mais permettant un équivalent des pratiques actuelles. La FFVV demande donc : - la séparation stratégique des SAS avec les flux IFR principaux - l’utilisation de la 1/2 norme par rapport aux trajectoires nominales de ces IFR - la possibilité réglementaire que les SAS interfèrent avec certaines trajectoires IFR secondaires (terrains non contrôlés, basses couches) - que la procédure utilisée par le contrôle pour les VFR et les IFR légers soit « une information générale sur l’activité » avec la possibilité pour le pilote de traverser ou de demander un contournement. - application des règles de la classe G dans les SAS actifs. - que ce nouveau texte sur les SAS ne contredise pas l’Arrêté CNS 3.2.3 permettant la création et l’utilisation des secteurs « de transit » (type Bordeaux, Marseille ou Oyonnax…) permettant d’obtenir une autorisation sans transpondeur dans des conditions fixées par protocole. En complément des SAS, il serait souhaitable que la DNA étudie la mise en place en France de parties d’espace aérien déclassables temporairement en G en fonction de l’activité des usagers. ...